Agra la sournoise
Jeudi dernier j’ai quitté à contrecœur ma petite auberge de Varanasi, et j’ai pris le train de nuit direction Agra, à la conquête du très fameux Taj Mahal.
Alors il faut savoir qu’Agra c’est une ville vraiment très quelconque, pour ne pas dire carrément inutile, donc mon objectif c’était d’y faire un passage éclair (‘hop, Taj Mahal, ça c’est fait on peut cocher…’) avant de repartir le soir même sur Udaipur.
Le Taj Mahal étant fermé le vendredi (ahah !), j’ai bien été obligée de poser mes bagages, et j’ai tué le temps en allant visiter Fatehpur Sikri, une petite bourgade à 40 kilomètres à l’ouest d’Agra inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco qui abrite une mosquée ainsi qu’un palais construits dans ‘la plus pure tradition architecturale moghole’ (si c’est le Lonely Planet qui le dit…). Hormis la gigantesque mosquée de grès rouge qui m’a vraiment impressionnée (je crois bien que c’était la première fois que je mettais les pieds dans une mosquée d’ailleurs), la visite m’a laissée relativement indifférente : moi c’est le Taj que je veux voir !!! Il faut dire que la vue qu’on en a depuis le toit de l’hôtel (c’est bien sa seule qualité à cet hôtel tiens) donne très envie d’aller voir l’édifice de plus près.
Le Taj Mahal ouvrant ses portes à 6h, le lendemain c’est donc aux aurores que je me lève - histoire d’être la première à entrer pour admirer le lever de soleil sur le Taj dans les jardins encore déserts (conseil avisé du Lonely Planet).
Je dois être un peu conne, parce qu’après un mois de voyage je n’ai pas encore compris que TOUT LE MONDE l’a, ce foutu bouquin !!! Et que tous le monde les suit, leurs foutus conseils !!! (ce qui généralement conduit à des situations un peu grotesques où des wagons entiers de backpackers s’entassent dans la même auberge médiocre simplement parce qu’elle est mentionnée dans le guide).
Bref, tout ça pour dire que je suis loin d’être la première. Et je perds encore du temps lorsqu’on m’arrête pendant la fouille à l’entrée parce que j’ai mon ordinateur sur moi (la nourriture, les armes, et tous les objets électroniques sont interdits dans l’enceinte du palais) (ça c’était pas écrit dans le Lonely Planet par contre) et que je dois aller le déposer à la consigne. Ce qui est ironique, c’est qu’ils m’ont laissé mes chewing gum. Et si on réfléchit bien, un simple chewing gum mâchouillé ça peut faire bien plus de mal au Taj Mahal qu’un ordinateur. C’est stupide.
Enervement, exaspération, impatience… je ne suis donc pas très bien disposée quand je réussis enfin à entrer dans l’enceinte du bâtiment. Malgré la masse compacte de touristes (oui, vous savez, tous ces gens plus intelligents que moi qui ont eu la bonne idée d’arriver plus tôt !)à qui je lance de longs regards haineux, le simple fait d’arriver devant le Taj Mahal me fait oublier subitement l’amertume accumulée depuis mon réveil.
Ya pas à dire, c’est une merveille.
Abstraction faite des touristes (faut pas exagérer, ils sont pas si nombreux à 7h du mat), la promenade dans les somptueux jardins du palais se révèle être un délice de quiétude et de romantisme. …Et en plus je l’ai eu, mon lever de soleil sur le Taj.
Hormis la visite du Fort d’Agra qui m’a agréablement surprise, le reste de la journée n’est qu’une succession de luttes acharnées contre les chauffeurs de rickshaw, les faux guides officiels et les petits vendeurs de souvenirs à la sauvette. Je suis fatiguée. Et c’est pas peu dire : moi qui suis pourtant devenue une experte du marchandage, je finis par me faire refiler pour 150 roupies (presque 3€ quand même !) un lot de dix cartes postales toutes pourries* – un moment de faiblesse sans doute.
Après cette journée épuisante, c’est avec un soulagement non dissimulé que je monte finalement dans le bus pour Udaipur. Bon je fais pas trop la maline, seule étrangère au milieu d’une foule d’Indiens qui me dévisagent d’un air surpris, mais je tombe de sommeil et il est seulement 19h quand je m’écroule de fatigue, parquée dans ma mini-couchette ‘sleeper’.
Je ne regrette pas mon passage, mais définitivement, Agra est une ville sournoise qui abrite autant de merveilles que de traquenards… Ça m’a tuée.
* : avis à tous ceux qui recevront une petite carte du Taj Mahal abimée/déchirée/trouée… Je suis désolée !