Sulo Shah

Publié le par Mélanie

Avec un retard scandaleux, je poste enfin un portrait rapide de Sulo Shah, la fondatrice de l’entreprise Formation Carpets que j’ai visitée au Népal.

Sulo Shah (dont on ne connaîtra pas l’âge car dans un élan de délicatesse toute féminine je n’ai pas osé lui demander) n’était pas destinée à devenir chef d’entreprise puisqu’elle est originellement mathématicienne de formation. Elle possède en effet un double Master en mathématiques dont le premier a été obtenu à Kathmandu en 1970. Au début des années 70 elle part étudier à Aachen en Allemagne où elle obtiendra son deuxième Master en mathématiques. C’est en comparant les systèmes d’éducation népalais et germaniques qu’elle prend conscience des lacunes considérables du Népal en matière d’enseignement.


A la fin de ses études elle retourne au Népal accompagnée de son mari, avec la ferme intention de contribuer au changement au sein du système d’éducation népalais. Elle réussit à se faire embaucher en tant que professeur de mathématiques à l’académie, mais ses espoirs sont vite déçus : trop active, elle se fait des ennemis et ses initiatives sont sans cesse contrecarrées.


Un tournant crucial de sa vie sera une discussion avec un de ses collègues qui lui fait prendre conscience que dans sa position, elle n’a que trois options : elle peut soit créer et diriger un mouvement, soit suivre un mouvement existant, soit renoncer et accepter le système comme il est (‘either lead, or follow, or accept’). Accepter, c’est hors de question. Diriger, c’est trop tôt, elle ne se sent pas prête. Suivre un mouvement, pourquoi pas, du moment qu’elle est convaincue par les idées de son dirigeant.


Après 3 ans elle abandonne donc l’enseignement pour rejoindre une ONG focalisée sur la condition des femmes et le développement rural. Tout d’abord découragée par l’immobilisme du système, elle s’acharne, et les projets qu’elle conduit sont un succès. Cependant au bout de quelques temps elle finira par abandonner l’humanitaire comme elle a abandonné l’éducation : la réussite apparente des programmes ne la satisfait pas tant que ça, elle ne supporte plus de devoir mendier chaque sou, et surtout, elle se sent enfin prête à accomplir quelque chose par elle-même.


Si la politique lui semble un bon moyen de changer les choses, elle refuse de rentrer dans un système où il lui faudrait mentir, tricher, et se faire de l’argent sur le dos de la population. ‘When I’m rich I’ll become a minister, but I don’t want to be a minister to become rich!’, m’a-t-elle affirmé en riant.


Son père et ses frères étant tous businessmen, elle se demande : pourquoi pas moi ? Et ce n’est bien entendu pas le fait d’être une femme qui arrêtera cette personnalité incroyable au caractère bien trempé.

A la surprise générale, elle se lance donc dans la culture de champignons, embauche quelques personnes et exploite l’espace du terrain familial. Mais comme elle le dit en souriant, ‘you can’t control a mushroom’, et l’entreprise ne réussit pas réellement à engranger de bénéfice.

Au bout de quelques années elle renonce et, avec l’aide d’une amie allemande de longue date, elle crée Formation Carpets en 1990.


La vision, elle l’a ; les compétences en management, elle les a ; et à force d’acharnement, elle réussit à faire de Formation Carpets une entreprise qui tourne et qui dégage un profit honorable, tant au niveau économique que social.

En parallèle elle conduit de nombreux projets humanitaires et crée même Rughmark, une organisation qui lutte contre le travail des enfants dans l’industrie de la tapisserie.


Jusqu’ici l’entreprise n’a connu que deux grèves : l’une en 2008 lors de l’arrivée au pouvoir du gouvernement maoïste, et l’autre en 2009 suite à la crise économique mondiale.

Cependant, de par ses objectifs humanitaires et son organisation irréprochable, Formation Carpets reste une entreprise exemplaire dans le vaste secteur de la tapisserie au Népal, reconnue internationalement et récompensée par de nombreux labels tels que le Global Compact de l’ONU.


Aujourd’hui simple conseillère de l’entreprise (c’est son fils cadet qui gère à présent le business familial), elle hésite à prendre sa retraite mais… a peur de s’ennuyer !

Il me parait clair que cette femme énergique et généreuse, qui rejette avec mépris le conservatisme et la corruption inhérents au système népalais, ne pourra jamais s’arrêter.


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C
<br /> Nous sommes très impressionnés par le charisme de Sulo Shah. Nous espérons pour toi plein d'autres rencontres aussi enrichissantes.<br /> <br /> Après avoir été émerveillés par tes incroyables aventures au Népal et en Inde, nous te souhaitons luxe, calme et volupté dans ton île paradisiaque, pour un Noël de sérénité et un joyeux<br /> anniversaire où tu nous manqueras tellement.<br /> <br /> Avec nostalgie, nous croisons en pensée ta jolie silhouette dans le couloir de la rue César franck et ta chambre nous paraît bien vide.<br /> <br /> Nous t'embrassons tendrement.<br /> <br /> Mère Grand et Père Grand.<br /> <br /> <br />
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