Le supplice de Tantale

Publié le par Mélanie

Après le Yukon, j’attaque les Rockies canadiennes !

 

A peine arrivée à Jasper, j’apprends que l’auberge de jeunesse où je voulais m’installer est pleine. Comme il n’y a rien d’autre ici à part des hôtels à 200$ la nuit, ça veut dire : camping !!! Youhou, c’est l’occasion d’étrenner mon chouette matelas Thermarest tout neuf pour lequel j’ai craqué à Vancouver - il faut pas me laisser rentrer dans les magasins de montagne, c’est dangereux, généralement je suis incapable d’en ressortir sans un nouveau couteau suisse multifonctions avec tournevis cruciforme, scie à métaux et démonte-pneu intégrés ou bien des pompes de marche à 300 balles. Là encore j’ai limité les dégâts, ce matelas claque sa race, il était plutôt pas trop cher, et il se trouve que j’en ai besoin. Je suis ravie de pouvoir le baptiser aussi vite, et sur le sol canadien qui plus est !

 

…Bon pour ça il faudrait déjà que j’ARRIVE jusqu’au camping. Camping qui est à 5 kilomètres de la ville. Et je viens de louper le shuttle qui part toutes les deux heures héhéhé. J’entame donc une petite marche sympathique sous la pluie battante, avec approximativement 20 kilos de bagages sur le dos… Les voitures me klaxonnent et quelques passagers me font des coucous de la main amicaux. J’hésite longuement sur le doigt à lever pour leur répondre avant d’opter pour le pouce accompagné d’un sourire crispé, après tout ils essaient juste de m’encourager, c’est plutôt sympa. Il y a quelques mois ce n’est probablement pas l’attitude que j’aurais choisie, voyager me rend meilleure perdante on dirait.

 

Une heure après, ruisselante et avec les épaules en miettes, je débarque enfin à la réception du camping. Je m’enregistre, on m’attribue un emplacement… Aaaaah, je vais pouvoir me poser ! Eh bah en fait non ! Parce qu’il y a une femelle wapiti pile sur mon spot. Et comme c’est la période de mise bas, elle peut s’avérer très, très agressive. Je la regarde, elle me regarde, j’avance, elle avance aussi, on doit être à 5-6 mètres l’une de l’autre. Bon alors là j’avoue j’ai même pas eu le réflexe de prendre une photo, le seul truc que j’ai pris c’est mes jambes à mon cou pour alerter les gardes-chasse. Après une demi-heure à essayer de la faire dégager sans succès, les wardens me suggèrent de trouver un autre emplacement pour la nuit… Mais le mal est fait : en plus d’être trempée jusqu’aux os, maintenant, je flippe.

 

Malgré les hululements/grognements/bruissements qui me font sursauter à chaque instant, la nuit se passe relativement bien. Je dis ‘bien’ parce qu’aucun ours/wapiti/animal sauvage et terrifiant ne m’a attaquée pendant la nuit. Je dis ‘relativement’ parce qu’en fait j’ai PAS dormi. Sincèrement, qu’est-ce que j’espérais avec un sac de couchage Lafuma ultra compact (zone de confort : 13°C, zone de risque : 5°C), dans un pays où la neige ne fond pas avant la fin du mois de juin ? Bonne nouvelle ! Il y a un truc que le voyage a pas changé chez moi : je suis toujours un peu conne.

 

Il est hors de question que je réitère l’expérience camping pour ne serait-ce qu’une seule nuit supplémentaire, et heureusement des places se sont libérées à l’auberge de jeunesse pour le soir même. Je plie bagage et j’entame donc une nouvelle marche jusqu’à l’hostel. Comme ça risque encore de me prendre un bon bout de temps, je choisis de prendre un raccourci. (je confirme : je suis toujours un peu conne).

 

La pire idée de ma vie : je me retrouve perdue dans la forêt, à n’avoir pas la moindre idée de l’endroit où je suis, toujours sous la pluie battante, toujours avec ma vie de 20 kilos sur le dos.

Après avoir tourné en rond pendant un quart d’heure j’aperçois un panneau, enfin ! Je m’approche, soulagée… Pour me retrouver face à un écriteau qui grossièrement disait plus ou moins… ÇA : ‘Attention attention braves gens, ce sentier n’est pas entretenu, vous l’empruntez donc à vos risques et périls. Si vous croisez le chemin d’un ours belliqueux ou d’un cougar sanguinaire, vous pourrez pas dire qu’on vous a pas prévenu. Sortez de ce merdier ou résignez vous à mourir seul, déchiqueté par les vautours et rongé par les rats. A bon entendeur salut !’

 

…Basically, I’m fucked.

 

Alors vu de l’extérieur, je dois l’admettre, il y avait un certain potentiel comique : une pauvre fille dégoulinante de pluie et de sueur, qui galope maladroitement de ci de là, pliant sous le poids d’un sac dix fois trop gros pour elle, et bramant du Edith Piaf à tue-tête pour éloigner les bêtes sauvages - j’aurais fait une magnifique incarnation de Pierre Richard au féminin… Mais je peux vous assurer que je faisais pas la maline. Même s’il ne m’est rien arrivé, cette mésaventure – ou du moins mon ressenti par rapport à cette mésaventure - est à mettre sur un pied d’égalité avec ma pseudo agression indienne ou mon vol d’appareil photo à Rio. Vraiment.

 

Quand j’atteins enfin l’hostel, c’est deux heures plus tard, et en rampant à moitié. Heureusement, cette auberge de jeunesse est juste l’auberge la plus cool de la planète, une sorte de refuge de montagne perché au milieu de nulle-part où tous les gens les plus kiffants du monde se seraient donnés rendez-vous pour faire un club de gens ultra kiffants. Kiffant.

 

Je comptais y dormir une nuit, j’y suis restée cinq jours. Je ne suis pas beaucoup sortie - de toute façon entre le temps pourri, le manque de thunes et l’absence de voiture, j’avais un maximum d’excuses valables pour ne rien foutre. Ça m’a permis de pas mal bosser, de me reposer, et de rencontrer des gens bien. Mais après cinq jours de glande intensive, je décide qu’il serait peut-être temps que je visite les Rockies.

 

A regret je quitte donc Jasper pour rejoindre Banff par la Icefield Parkay, une route d’environ 300 kilomètres qui traverse les Rockies et qui a pompeusement été proclamée ‘route la plus belle du monde’ par les agences de tourisme locales.

Rien à signaler, si ce n’est effectivement des paysages à se damner, un soleil qui sort de derrière les nuages exprès pour la journée, une chouette promenade près du majestueux Glacier Columbia, quelques ours bruns sur le bas côté, et… mon bus qui tombe en panne au beau milieu de la route. Pas de réseau téléphonique, rien à des kilomètres, aucune voiture : le comble ! On a été rescapés par un bus d’une compagnie concurrente, la honte suprême, j’ai cru que notre chauffeur allait se faire harakiri.

 

Le soir je m’installe à l’auberge de jeunesse de Banff, qui, sans être aussi géniale que celle de Jasper, a le mérite de me faire rencontrer un petite team cosmopolite bien sympa. Et comme il pleut toujours autant et que je n’ai toujours ni argent ni voiture, j’ai finalement passé mes trois jours à Banff à discuter différences culturelles en partageant des bières avec Yuki la Japonaise, Ryan le Canadien, Joao Paulo le Brésilien, Hannes l’Allemand, Jacek le Polonais et Catherine la Française.

 

Mon séjour dans les Rockies touche à sa fin, c’était très sympa, mais je dois admettre que je suis un peu déçue : je n’aurai pas eu l’opportunité de randonner pour de vrai… La pluie, la neige, la présence d’une faune dangereuse pour les trekkeurs isolés et l’absence de voiture pour rejoindre les sentiers m’auront empêchée de m’enfoncer dans les montagnes canadiennes…

 

Entre la tentative avortée de rando au Yukon et l’échec des Rockies, je dois admettre que là je suis un peu très beaucoup frustrée. Moi qui m’étais donné pour objectif de faire un trek par continent, finalement je n’aurai pas marché en Amérique du Nord. C’est terrible parce que les paysages sublimes je les vois, ils sont là, tout autour de moi, je les touche presque… Mais impossible de les atteindre. Et les trois quarts de mes photos sont des clichés pris depuis le bus.

 

Finalement c’est encore ma copine Nono qui résume le mieux la situation : ‘pour le Canada, j'ai des souvenirs d'un voyage avec mes parents où on avait fait beaucoup de voiture en effet... des paysages magnifiques, mais c'est presque ennuyeux des paysages magnifiques quand tu peux rien faire dedans!’

 

Tout est dans le titre…

 

 

P1020222

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F
<br /> As tu finalement demandé un autographe à Mme Wapiti ?<br /> <br /> Papa<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> tu aurais voulu que je m'approche plus? ok, c'est noté, si je fais un safari en Tanzanie je te ramène un autographe de Mr Lion King alors! Et viens pas te plaindre que je suis morte déchiquetée<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Hmmm... Laisse moi réfléchir 2 minutes... Ok, amie pour la vie, je signe le pacte :D<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii et une victime de plus kre kre kre! pas sûre que tu sois consciente des risques que ça implique mon petit Bernard... mais maintenant c'est TROP TARD tu as signé avec<br /> ton sang hinhinhinhinhin<br /> <br /> <br /> du bisou, plein!!!<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Aaaah, voilà, j'en attendais un comme ça depuis longtemps ! Merci !<br /> <br /> =)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> je l'ai fini à 3h du mat en pensant fort à toi mon petit Bernard! (true story) ...merci de me soutenir comme ça, ça me touche énormément tu sais! (amies pour la vie? allez, on fait un pacte:<br /> amies pour la vie!!!)<br /> <br /> <br /> <br />
X
<br /> Comme à l'accoutumée je me suis bien marré dans le métro à lire ton petit article, je pense qu'on ne te dit pas assez merci pour tous ces beaux petits récits, spécialement quand ici on a un temps<br /> pourri =)<br /> Amuse-toi bien cocotte, gros bisous<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Cela dit tu remarqueras que MOI AUSSI j'ai un temps pourri, et que ça m'empêche pas d'écrire des articles de 3 kilomètres! Alors à quand un petit blog de parisien, hein le Xavoune? Merci de me<br /> suivre, plein de bisous du Nunu!!!<br /> <br /> <br /> <br />