Transcanada

Publié le par Mélanie

Il y a quelques semaines j’ai acheté un ‘discovery pass’ Greyhound qui me permet de prendre le bus partout au Canada et aux US pendant un mois, en illimité. C’était cher. Et même si je m’en suis déjà bien servi (un San Francisco-Vancouver, un aller-retour au Yukon, une traversée des Rockies), il est temps que je le rentabilise pour de bon. C’est parti pour une traversée d’Ouest en Est du Canada !

 

Banff-Toronto… 55 heures de bus, de vrai bus cette fois. Pas de transfert, pas de pause de plus d’une demi-heure, pas d’arrêt pour la nuit… Pendant 55 heures, vous êtes : tout-le-temps-dans-le-bus.

On m’avait prévenue, ce voyage, c’est pas la folie. Les régions traversées, en majorité le Saskatchewan et le Manitoba, ça n’a aucun intérêt, c’est juste… PLAT. Et pourtant, je n’ai absolument pas travaillé, que très peu lu, et presque pas mangé.

Mais j’ai beaucoup dormi. Dormi, somnolé, rêvassé, pensé, réfléchi… Mon cerveau est passé par toutes les étapes possibles et imaginables de la méditation, de l’affolement soutenu de l’intégralité de mes neurones jusqu’à la léthargie la plus complète. Mais la plupart du temps dans un stade de coma avancé, je dois bien l’admettre.

Ces deux jours sont passés comme dans un rêve, comme si j’étais engourdie par le ronronnement du moteur du bus. Ce voyage, c’est pas la folie, non. Mais c’est pas désagréable non plus finalement.

 

Même si je n’ai donc absolument rien foutu pendant deux jours, il y a malgré tout quelque chose dont j’ai envie de parler, à propos de ce voyage…

 

Les gens du bus.

 

Parce que l’avion et le train sont des moyens de transport chers, parce que sillonner le pays en Greyhound c’est vraiment long, parce que c’est inconfortable, un peu déprimant, et que si on peut l’éviter on l’évite, il n’y a que les classes sociales les plus basses qui choisissent de prendre le bus pour traverser le Canada.

 

Les bus longue distance c’est un peu la Cour des Miracles, le rassemblement de tous les paumés canadiens.

 

Alors bien sûr il y a des gens ‘normaux’ qui nous rejoignent le temps d’un Banff-Calgary, le temps d’un Brandon-Winnipeg, sur des courtes distances, pour quelques heures. Mais la colonne vertébrale de ce voyage, c’est les pauvres. Les pauvres, et moi.

 

Il y a cette femme qui ne se déplace qu’avec difficulté, en s’aidant de sa canne. Elle clopine et pourtant elle ne veut pas qu’on l’aide, elle refuse de passer en premier dans les files d’attente, elle souffre comme pas possible et pourtant elle ne se plaint pas, elle sourit.

Il y a ce mec qui pleure à moitié au téléphone, implorant sa mère de le laisser rentrer au foyer familial ‘please mom, please, let me come home mom, I’m broke mom’. Il a mon âge ce garçon, peut-être même moins. Qu’est-ce qu’il a bien pu foutre pour se faire jeter dehors comme ça ?

Il y a cette jeune femme objectivement en surpoids dangereux, et qui explique presque avec fierté qu’elle a une maladie incurable au nom imprononçable, et que son médecin lui botterait le cul s’il savait qu’elle voyage dans ces conditions.

Il y a ce type qui n’a presque plus de dents, qui boite, qui a du mal à se lever de son siège, et qui quand je lui demande où il va, me dit ‘I come back home to die.’ Et comme j’émets un cri-gémissement choqué, il me répond, stoïquement : ‘not a big deal’. On va pas se mentir, c’est clair que sa mort va pas affecter grand monde, à celui-là. Comment a-t-on pu en arriver là…

 

Une bonne brochette de marginaux. Et pourtant, tous ils se parlent. Ils passent leurs pauses clopes ensemble. Ils s’interjectent, ils rigolent, ils échangent des moments de complicité. Ce garçon repose ses jambes sur les genoux de cette jeune fille gothique, c’est plus agréable pour dormir. Ces deux femmes échangent leurs adresses e-mail, c’était sympa de se rencontrer. Ce type tatoué de partout partage son paquet de chips avec les gens de sa rangée, cette adolescente obèse surveille les affaires de ce vieux.

 

En France les gens ne se parlent pas dans les transports en commun. Ça ne se fait pas.

 

Qu’est-ce qui va pas chez nous ?

 

 

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Ndlr - à ceux qui s’inquièteraient du petit coup de mou au niveau du titre, je vous rassure tout de suite : si si, il y a bien une référence ! Souvenez-vous, il y a quelques années, un film somptueux avec Felicity Huffman…

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F
<br /> Je pense qu'effectivement en France on ne se parle pas trop dans les transports en commun intra urbain, sauf peut être en cas de crise (bug de la RATP, grève de trois jours...).<br /> <br /> Mais est ce que vraiment personne ne dit jamais rien à personne sur un trajet en bus Lille Nice ?<br /> Ca passe peut être trop vite ?<br /> <br /> Papa<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> euuuuuh je sais pas ça t'arrive souvent de faire la conversation à tes voisins dans le TGV? FRANCHEMENT?<br /> <br /> <br /> <br />